Les réseaux sociaux alimentent-ils les préjugés sur la PMI ?

Publié le 15 juillet 2025

Sur les réseaux sociaux, et plus particulièrement TikTok, les témoignages sur la PMI se multiplient et façonnent l’opinion publique de manière parfois radicale.

Faites le test, tapez “PMI” dans la barre de recherche de TikTok.
Vous découvrirez un condensé d’expériences souvent négatives et des appels à fuir la PMI. 

Aujourd’hui, 92 % des Français·es consultent les avis en ligne avant d’acheter un produit, un service ou avant de se rendre dans un établissement. Les services de PMI n’échappent pas à cette règle. A l’ère du scroll infini, une vidéo virale peut peser plus lourd qu’un rapport de 100 pages et déformer l’image d’un service en quelques secondes seulement. 

Mais cette perception digitale reflète-t-elle vraiment la réalité ? Comment un service public essentiel, gratuit et accessible à tous, peut-il générer autant de critiques sur les réseaux ? 

L’impact des réseaux sociaux sur l’image de la PMI

Les plateformes numériques ont révolutionné notre rapport à l’information et à la prise de décision. Consulter les avis en ligne est devenu un réflexe automatique qui influence considérablement nos choix, du restaurant où dîner au médecin qui suivra notre grossesse.

Pour les services publics comme la PMI, cette évolution représente un défi majeur. Contrairement aux entreprises privées qui investissent dans leur communication digitale et leur e-réputation, certaines institutions publiques peinent souvent à maîtriser leur image en ligne. Elles subissent plus qu’elles ne construisent leur réputation numérique.

Cette passivité digitale devient problématique quand on réalise l’ampleur de l’influence des réseaux sociaux. Les témoignages personnels, même isolés, peuvent façonner l’opinion de milliers d’utilisateurs·rices. Une seule vidéo virale peut suffire à créer des préjugés ou à renforcer des stéréotypes.

TikTok déforme la réalité de la PMI

TikTok mérite une attention particulière dans cette analyse. Avec 14,9 millions d’utilisateurs·rices français·es mensuels, dont 72,2% ont moins de 24 ans, cette plateforme influence directement la génération qui devient ou deviendra parent. 

Que trouve-t-on lorsqu’on cherche “PMI” sur cette plateforme ?

Les vidéos les plus populaires véhiculent des messages comme “Faites attention à la PMI !” ou partagent des expériences traumatisantes.

Le format court de TikTok encourage la simplification des récits. Ce qui reste, ce sont les émotions brutes, les conclusions hâtives et les raccourcis.

Cette réalité est d’autant plus préoccupante que les jeunes parents d’aujourd’hui sont nés avec Internet. Ils naviguent naturellement vers ces plateformes pour chercher des conseils, des témoignages et des informations.

Leur perception de la PMI se construit donc en partie sur ces expériences, sans contexte, transformant des cas particuliers en vérités générales.

Les témoignages négatifs prennent le dessus

Sur les réseaux sociaux, les expériences négatives s’expriment plus facilement et plus bruyamment que les positives. Une expérience frustrante génère immédiatement le besoin de partager et de mettre en garde. 

Il ne s’agit pas de nier les vécus difficiles. Bien sûr qu’il y a des maladresses, des incompréhensions, des situations mal vécues. Aucun service n’est parfait, et la PMI ne fait pas exception. Mais quand une vidéo virale devient “la vérité” sur la PMI, on entre dans une spirale de généralisation qui nuit à l’ensemble du service.

Les contenus négatifs dominent et donnent l’impression que les dysfonctionnements sont la norme. Les algorithmes des réseaux sociaux amplifient ce phénomène en privilégiant les contenus qui génèrent de l’engagement, souvent ceux qui provoquent des réactions émotionnelles fortes (colère, indignation, peur)

Les commentaires sous ces vidéos créent ensuite un effet d’écho. D’autres utilisateurs·rices partagent leurs propres expériences négatives, confirmant et renforçant la perception négative initiale. Certain·es témoignent même de changements d’opinion radicaux : “Heureusement que j’étais renseignée sur ça avant l’arrivée de mon fils, parce que je serai tombée dans le panneau. Merci TikTok” 

Partager une expérience négative avec un service public permet de recevoir du soutien, de la compassion et de créer un sentiment d’appartenance à un groupe de “victimes” du système. 

Aussi, les réseaux sociaux encouragent la dramatisation pour capter l’attention. Une interaction normale avec la PMI ne devient intéressante à partager que si elle est présentée sous un angle conflictuel ou problématique.

Les conséquences sur les familles et les professionnel·les

Des familles qui renoncent aux soins

Quand la peur s’installe, certaines familles n’osent plus pousser la porte de la PMI. Pourtant, ces services sont gratuits, sans condition de ressources, et constituent de véritables ressources pour accompagner la parentalité. Un TikTok vu au mauvais moment peut suffire à faire renoncer une jeune mère à consulter une sage-femme ou une infirmière puéricultrice de PMI.

Des professionnel·les stigmatisés

Les professionnel·les de la PMI sont parfois prises pour cibles sur les réseaux. Soupçonné·es d’être des “espion·nes”, ils·elles doivent redoubler d’efforts pour rétablir la confiance. Cette stigmatisation génère une fatigue morale et un sentiment d’injustice car leur mission, c’est d’aider, pas de contrôler.

La PMI face aux défis du numérique

Face à cette vague de critiques numériques, la PMI se trouve dans une position délicate. 

La nature même du travail de la PMI complique sa communication. Les professionnel·les interviennent dans des situations parfois sensibles, touchant à l’intimité familiale, à la parentalité et parfois à la protection de l’enfance. Cette dimension confidentielle limite le partage d’expériences positives détaillées.

Des missions méconnues du grand public

Combien de parents savent réellement ce que fait la PMI ? Ce service propose pourtant un accompagnement global : suivi médical, soutien à la parentalité, prévention,… Cette multitude d’interventions est encore invisible sur les réseaux sociaux.

Les professionnel·les de la PM interviennent quotidiennement pour soutenir les familles dans leur parcours parental. Ils détectent des difficultés, orientent vers les bons interlocuteurs, proposent des solutions adaptées. Ces actions préventives, moins spectaculaires que les interventions d’urgence, ne génèrent pas de contenus viraux, mais constituent pourtant le cœur de leur mission.

Cette invisibilité du travail quotidien de la PMI laisse le champ libre aux témoignages négatifs. L’opinion publique se construit uniquement sur les expériences problématiques, déformant la réalité du service.

Pour aller plus loin, nous avons mené une enquête visant a recueillir les perceptions des citoyens sur la PMI : Une nouvelle identité pour la PMI

L’effet boule de neige des contenus viraux

Sur les réseaux sociaux, un contenu devient viral non pas parce qu’il est représentatif, mais parce qu’il provoque une réaction émotionnelle forte. Dans le cas de la PMI, les témoignages les plus dramatiques ou les plus polémiques ont plus de chances de se propager.

Cette mécanique crée un cercle vicieux. Plus les contenus négatifs circulent, plus ils attirent d’autres témoignages similaires. Les personnes ayant vécu des expériences positives avec la PMI n’osent pas toujours s’exprimer, craignant d’être critiquées, de paraître naïves ou de minimiser la souffrance d’autrui.

On le voit très concrètement dans les commentaires sous la vidéo d’une influenceuse (@emmanyone) qui raconte son expérience positive avec la PMI. Si plusieurs réactions saluent son témoignage, d’autres sont nettement plus virulentes, comme ce commentaire : “N’y allez pas là-bas, ils font des signalements pour vous enlever vos gosses, allez chez un pédiatre c’est beaucoup mieux”

Comment la PMI peut-elle travailler son image digitale ?

Face à ces défis numériques, la PMI ne peut plus rester passive. Elle doit développer une stratégie de communication digitale adaptée aux nouveaux usages et aux attentes des jeunes parents connectés.

Développer une communication adaptée aux nouvelles générations

Les parents d’aujourd’hui consomment l’information différemment de leurs aînés (1 jeune sur 5 s’informe via TikTok) Ils·elles privilégient les formats courts, visuels et authentiques. Ils·elles cherchent la transparence et l’interaction directe. 

Pour une communication efficace, il faudrait d’abord créer du contenu éducatif accessible expliquant concrètement les missions de la PMI, ses objectifs et son fonctionnement. Cela permettrait de prévenir les malentendus et de déconstruire les idées reçues.

Ensuite, développer une approche interactive en répondant aux questions et aux préoccupations des utilisateurs.

Enfin, mettre en place une veille active des contenus circulant sur la PMI pour pouvoir réagir rapidement aux informations erronées ou aux généralisations abusives.

Cette surveillance permettrait d’identifier les sujets sensibles et d’adapter la communication en conséquence.

Two people looking at social media on a smartphone at a wooden table.

Faire du storytelling positif

Le storytelling positif ne consiste pas à nier les problèmes ou à idéaliser le service. Il s’agit de raconter aussi les histoires qui fonctionnent, de mettre en lumière les professionnel·les engagé·es et de valoriser l’impact positif de la PMI sur les familles.

Cette approche narrative peut prendre plusieurs formes : témoignages de parents accompagnés avec succès, portraits de professionnel·les, explications des interventions préventives… 

Conclusion

La PMI a tout intérêt à s’emparer de ces outils pour mieux communiquer, mieux expliquer ses missions et mieux accompagner les familles. Cette appropriation demande du temps et des ressources, mais elle est indispensable dans un monde hyperconnecté.

Cette évolution, inéluctable, peut être une opportunité pour la PMI de se réinventer et de mieux répondre aux attentes des familles. Les réseaux sociaux, loin d’être uniquement un problème, peuvent devenir un outil d’amélioration continue.

Certes, les réseaux sociaux alimentent certaines idées reçues sur la PMI, mais ils révèlent aussi des attentes légitimes et des pistes d’amélioration. L’enjeu n’est pas de lutter contre ces plateformes, mais de les utiliser intelligemment pour construire une relation de confiance entre les familles et ce service public essentiel.

Si la PMI ne raconte pas elle-même son histoire, quelqu’un d’autre le fera à sa place.


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