Professionnel·les de l’ASE : quels sont leurs besoins ?

Publié le 18 février 2025

Au 31 décembre 2022, l’Aide sociale à l’enfance (ASE) comptait 208 000 mineurs et majeurs accueillis. Un chiffre en hausse constante : +1,7% par rapport à 2021, et +2,4% par rapport à 2020.

Cette évolution révèle une pression croissante sur les professionnel·les de l’ASE, confronté·es à un double défi : une demande toujours plus forte, avec des moyens humains et financiers qui peinent à suivre.

Ces conditions mettent à rude épreuve les professionnel·les de terrain. Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre leurs besoins pour leur offrir un accompagnement adapté et soutenant.

Une enquête pour comprendre les réalités du terrain

Pour comprendre ce qui se passe réellement sur le terrain, plusieurs enquêtes ont été menées entre 2021 et 2023 en collaboration avec des membres de l’équipe du laboratoire de recherche Epione de l’UQAM, dirigé par Thomas Delawarde-Saïas, au Québéc. 

L’une d’elles, menée par Solange Lafolle et Emilie Pigeon-Gagné, a analysé les besoins des professionnel·les de la protection de l’enfance à travers 22 entretiens semi-directifs menés dans 13 départements français.

Cette enquête visait l’atteinte deux objectifs majeurs : 

  • Disposer d’une meilleure connaissance de l’organisation et la gestion des services 
  • Identifier les besoins de formation et/ou amélioration des pratiques
illustration enquête auprès d'un professionnel de l'ASE

Les principaux besoins des professionnel·les de l’ASE

Faire face à la violence et aux traumatismes quotidiens

L’exposition aux violences et traumas est une réalité quotidienne pour les professionnel·les de l’ASE. Certain·es parviennent à les normaliser, mais d’autres atteignent un seuil de saturation, faute de soutien et d’accompagnement adapté.

Gérer la surcharge de travail et ses effets sur la santé mentale

Le nombre de dossiers gérés par chaque référent·e dépasse largement les seuils recommandés, atteignant parfois jusqu’à 100 dossiers au lieu des 45 prévus. Cette surcharge de travail, combinée à une charge administrative conséquente, oblige les professionnel·les à se focaliser sur les situations d’urgence.

La difficulté à hiérarchiser les priorités dans un environnement marqué par l’urgence et l’exposition constante à des situations de violence génère une anxiété permanente. Ce sentiment d’impuissance face à une demande toujours croissante accentue le stress et l’épuisement professionnel.

Renforcer la coopération et la reconnaissance institutionnelle

Les professionnel·les de l’ASE regrettent le manque de reconnaissance de la part des institutions et des partenaires extérieurs. 

Aussi, la distance entre les engagements politiques et la réalité du terrain, marquée par un manque de ressources humaines et financières, alimente ce sentiment. L’absence d’espaces de concertation avec les décideurs empêche l’élaboration de solutions adaptées, tandis que le décalage entre le terrain et les partenaires freine la compréhension des besoins des enfants et des professionnel.le.s. 

Une meilleure communication et la construction d’un langage commun entre les différent·es acteurs et actrices de la protection de l’enfance sont essentielles pour décloisonner les services et renforcer la coopération.

Accéder à des formations adaptées aux réalités du terrain

Les formations proposées aux professionnel.le.s de l’ASE, qu’elles soient individuelles ou collectives, visent à renforcer leurs compétences et leur donner des outils. Toutefois, certain·es professionnel·les regrettent que ces formations ne soient pas régulièrement mises à jour en fonction des évolutions sociétales et des réalités du terrain.

Face à cette situation, ils.elles expriment le besoin de formations plus spécifiques, notamment sur la question de l’attachement, tant sur le plan clinique que dans les interactions avec les partenaires institutionnels et les familles. 

Soutenir des professionnel·les de l’ASE : un besoin urgent

L’environnement de travail est propice au stress, à l’anxiété, à l’épuisement professionnel… Ces symptômes sont malheureusement devenus monnaie courante dans les services de l’ASE.

Offrir un soutien et une contenance aux professionnel·les est essentiel pour préserver leur bien-être, mais aussi la qualité du service rendu. Un mal-être non pris en charge impacte directement l’empathie, la tolérance et la capacité à tisser des relations de confiance avec les enfants et les familles. À terme, cela fragilise les équipes et conduit trop souvent à des départs et, in fine, de la discontinuité relationnelle.

Le rôle des cadres

Les cadres, en tant que personnes-ressources, sont censé·es offrir soutien et supervision aux intervenant·es. Mais leur mission est loin d’être simple. Au quotidien, les cadres doivent apprendre à jongler entre : 

  • Gestion de situations individuelles, parfois complexes.
  • Management d’équipes
  • Travail partenarial.
  • Pilotage de projets.

Mais leur responsabilité va bien au-delà : leurs décisions peuvent avoir des conséquences sur la vie des enfants et des familles qu’ils accompagnent.

Confronté·es à la rareté des moyens, aux violences,… les cadres doivent soutenir les professionnel·les en première ligne tout en préservant leur propre capacité à contenir les émotions et les tensions. 

En protection de l’enfance, le sentiment de sécurité est nécessaire pour l’ensemble des actrices et acteurs de la chaîne de sécurité. Comme l’explique Kaës (2012), un cadre sécurisant serait un cadre qui permettrait de recevoir et contenir les angoisses les plus archaïques. 

Cependant ce rôle de poupée russe n’est pas toujours évident à endosser. Alors que les cadres doivent prévenir l’épuisement professionnel et maintenir la stabilité de l’équipe, ces dernier·es font face à une pression constante, car ils·elles se trouvent privés en étau, entre les exigences institutionnelles et les besoins des équipes. 

Or, il semble que les cadres ne disposent pas de suffisamment d’outils ou de formation permettant de gérer les situations auxquelles ils·elles sont confronté·es.

Pourquoi l’Agence Kalía s’intéresse aux besoins des professionnel·les de l’ASE ? 

Compte tenu de la situation en protection de l’enfance, notre équipe est régulièrement sollicitée par des services de l’ASE pour recevoir des formations, des outils sur l’attachement ou encore sur la relation d’aide.

Nos formations étant destinées aux services de protection maternelle et infantile (PMI), cette étude des besoins nous a permis de mieux cerner le cadre dans lequel les services de l’ASE (structures, cadres, professionnel·les) pourraient bénéficier de notre accompagnement.

Le projet “Les Matriochkas” : une réponse aux enjeux de l’ASE

Une approche basée sur l’attachement

Le lien d’attachement ne se limite pas seulement aux enfants : elle s’étend aussi aux professionnel·les et cadres pour garantir une meilleure qualité d’accompagnement.

Pour être véritablement présente pour un enfant, l’institution doit également être là pour ses professionnel·les. Cela implique la création d’une chaîne de sécurité attachementale au sein des services de protection de l’enfance, s’étendant de l’enfant jusqu’au cadre supérieur·es.

Hands of diverse people fist bumping, symbolizing unity and teamwork.

Une démarche qui sécurise professionnel·les et cadres de l’ASE

La mission de la démarche “Les Matriochkas” est d’offrir une contenance aux professionnel·les de terrains et aux cadres pour permettre une meilleure qualité de vie au travail et une meilleure qualité d’action auprès des familles.

  • Pour les cadres : Les Matriochkas leur offrent des outils concrets pour renforcer leur rôle de contenance. Protocole de gestion des situations complexes, formations sur l’attachement et la relation d’aide, espaces d’échanges entre pairs… L’Agence Kalía déploie tout un dispositif pour les accompagner dans leur fonction de “poupée russe”, garantissant un cadre plus solide et structurant.
  • Pour les professionnel·les de terrain : nous répondons à leurs besoins en les formant et en leur fournissant des outils sur l’attachement et les enjeux de la relation d’aide, spécifiquement appliqués à la protection de l’enfance.

Mais l’accompagnement ne peut reposer uniquement sur les épaules des professionnel·les et des cadres. Les enjeux structurels doivent aussi être pris en compte.

C’est pourquoi Les Matriochkas engagent un travail de fond avec les acteurs institutionnels (VP, DGA, DEF…) afin de définir des objectifs clairs pour permettre à l’ASE de se réapproprier son travail de fond de protection de l’enfance : prévention, soutien au développement des enfants, travail collaboratif…

Investir dans l’ASE, c’est protéger l’enfance… et sécuriser les professionnel·les

Les professionnel·le.s de l’ASE et les cadres ont besoin de reconnaissance, de soutien et d’outils pour accomplir leur mission dans de bonnes conditions. “Les Matriochkas” apporte des solutions concrètes pour renforcer la protection de l’enfance en s’appuyant sur une approche écosystémique. 

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