La prévention et la protection de l’enfance dans le paysage politique

Publié le 18 janvier 2024

Le gouvernement s’est toujours engagé en faveur de la protection de l’enfance. Depuis 2017, les actions se multiplient aussi en faveur de la prévention.

Le 25 janvier 2019, Adrien Taquet est nommé secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn. Il est chargé de faire avancer la défense des droits fondamentaux de l’enfant, le soutien à la parentalité, et la lutte contre les maltraitances. 

Cette même année,  Adrien Taquet participe avec le Président de la République Emmanuel Macron à l’installation de la commission des 1000 premiers jours de la vie de l’enfant. Ce comité d’expert·es travaille avec l’ensemble des acteurs et actrices afin de rassembler des connaissances et de formuler des préconisations de politiques publiques ciblées sur les 1000 premiers jours de l’enfant. 

En parallèle, le secrétaire d’Etat présente la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022. Cette stratégie nationale vise à mieux protéger les droits des enfants et à améliorer la prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance dans l’objectif d’offrir les mêmes chances et les mêmes droits à tous les enfants. 

En proposant cette stratégie, Adrien Taquet souhaite tenir ces engagements : 

  • Agir le plus précocement possible pour répondre aux besoins des enfants et de leurs familles
  • Sécuriser les parcours des enfants protégé·es et prévenir les ruptures
  • Donner aux enfants les moyens d’agir et garantir leurs droits
  • Préparer leur avenir et sécuriser leur vie d’adulte
  • Renforcer la gouvernance et la formation

Un des axes forts de cette stratégie, c’est la contractualisation entre l’Etat (préfets et Agences Régionales de Santé) et les départements. Celle-ci doit répondre à des objectifs fondamentaux :

En février 2022, ce sont 3 lois relatives à la protection de l’enfant qui ont été promulguées, dont la loi du 7 février 2022. Le texte contient 42 articles et renvoie à une quinzaine de décrets d’application. Sa mise en œuvre soulève des enjeux variés : à la fois juridiques, humains et financiers, mais aussi autour de l’évolution des pratiques professionnelles.

S’inscrivant dans le cadre de la SNPPE, la loi vient renforcer les actions de protection puisqu’il est considéré que les lois de 2007 et 2016 « ont produit des résultats insuffisants dans la lutte contre les violences commises contre les enfants, y compris en institution, et n’ont pas pleinement répondu aux attentes de professionnels engagés, mais dont les capacités d’action sont limitées par des réglementations inadaptées » [1]

En somme, le texte de loi prévoit de : 

  • Améliorer le quotidien des enfants protégé·es 
  • Mieux protéger les enfants contre les violences 
  • Améliorer les garanties procédurales en matière d’assistance éducative 
  • Améliorer l’exercice du métier d’assistant·e familial·e
  • Renforcer la politique de protection maternelle et infantile 
  • Mieux protéger les mineur·es non accompagné·es 

On constate que par cette loi de nombreuses dispositions sont prises tels que le renforcement de certains droits reconnus aux enfants, l’évaluation et l’appui sur leurs ressources familiales, la sécurisation des lieux d’accueil, une évolution des règles relatives aux assistants familiaux, une modification de l’office du juge ou encore la systématisation de certaines mesures. 

Tout l’enjeu est de permettre une évolution des pratiques professionnelles dans l’intérêt des besoins de l’enfant et du respect de ses droits. 

Quelle place pour la PMI dans ce contexte politique ?

Le gouvernement souhaite “un renforcement des services de protection maternelle et infantile (PMI) dans leur rôle d’acteur pivot en matière de santé publique”

Par lettre de mission datée du 26 juillet 2018, le Premier ministre a confié à Mme. Michèle Peyron, députée de Seine-et-Marne, une mission sur la protection maternelle et infantile (PMI). Après plusieurs déplacements et auditions, en 2019 est publié le rapport intitulé “Pour sauver la PMI, agissons maintenant”

Celui-ci fait état d’une crise majeure de la PMI. La combinaison de plusieurs facteurs défavorables tels que la négligence de l’Etat et de l’Assurance Maladie, des financements inégaux et insuffisants parfois ou encore le déficit croissant des médecins a contribué à la baisse de l’activité de la PMI : 

  • Le nombre de consultation est passée de 900 000 en 1995 à 550 000 en 2016
  • En 20 ans, les infirmières puéricultrices ont vu se diviser par 2 le nombre de visites à domicile infantiles
  • La PMI couvre environ 6 % des besoins en termes d’entretien prénatal précoce.

Aussi, il est rapporté que 30 % à 40 % des moyens humains sont « dérivés » du cœur de métier préventif de la PMI. Concernant le budget dédiés aux services, il est constaté une baisse de 4% de 2013 à 2017

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Pour en revenir à la loi du 7 février, le texte prévoit 4 articles en faveur de la PMI :

Article 32

“Dans le cadre de la stratégie nationale de santé, des priorités pluriannuelles d’action en matière de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile sont fixées par le ministre chargé de la santé, en concertation avec les représentants des départements, dans des conditions fixées par voie réglementaire.

L’Etat, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale participent, dans les conditions prévues par le présent livre en tenant compte des priorités nationales d’action mentionnées au I du présent article, à la protection et à la promotion de la santé maternelle et infantile qui comprend notamment :

  • Des mesures de prévention médicales, psychologiques, sociales et d’éducation pour la santé en faveur des futurs parents et des enfants ;
  • Des actions d’accompagnement psychologique et social, notamment de soutien à la parentalité, pour les femmes enceintes et les jeunes parents, particulièrement les plus démunis ;
  • Des actions de prévention et de dépistage des handicaps des enfants de moins de six ans ainsi que de conseil aux familles pour la prise en charge de ces handicaps ;
  • La surveillance et le contrôle des établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans ainsi que le contrôle, la surveillance et l’accompagnement des assistants maternels mentionnés à l’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles ;
  • Des actions de prévention et d’information sur les risques pour la santé liés à des facteurs environnementaux, sur la base du concept d’exposome.”

Article 33

Il est proposé aux départements volontaires d’expérimenter la “Maison de l’enfant et de la famille”. Celle-ci aurait pour objectif “d’améliorer la prise en charge des enfants et des jeunes et à assurer une meilleure coordination des professionnels de santé exerçant auprès d’eux.

Elle participe notamment à l’amélioration de l’accès aux soins, à l’organisation du parcours de soins, au développement des actions de prévention, de promotion de la santé et de soutien à la parentalité ainsi qu’à l’accompagnement et à la formation des professionnels en contact avec les enfants et leurs familles sur le territoire.” [2]

Article 34

Cet article annonce la transformation des centres de planification et d’éducation familiale (CPEF) en centre de santé sexuelle. En plus du médecin, les centre des santé sexuelle peuvent désormais être sous la responsabilité d’une sage-femme. 

Article 35

Celui-ci annonce que “dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de négociations conventionnelles visant à inscrire les actes et examens effectués par les infirmiers et infirmières puéricultrices dans les services départementaux de protection maternelle et infantile parmi les actes pris en charge par l’assurance maladie.” [3]

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

La première SNPPE

L’instruction du 28 février 2022 a permis de poursuivre la mise en œuvre de la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020- 2022, dans le cadre des contrats tripartites entre préfets, directeurs·rices généraux d’ARS et président·es de conseils départementaux. 

À cette date, 64 départements étaient engagés dans cette contractualisation. Pour les nouveaux départements qui souhaitent rejoindre la démarche de contractualisation en 2022, les contrats courront jusqu’en 2024.

L’application de la Loi

Un an après la promulgation de la loi, seulement 7 décrets d’applications ont été publiés. Ces derniers concernent l’accompagnement des jeunes majeur·es, la rémunération des assistants familiaux et le référentiel d’évaluation des situations de dangers. Il reste encore du chemin à parcourir pour voir une application pleine et entière de la loi et espérer un renforcement des services de PMI. 

Evolution du GIP “Enfance en danger”

Début 2023, le Groupement d’intérêt public (GIP) “Enfance en danger” a laissé sa place au GIP “France enfance protégée”, présidé par Florence Dabin, présidente du département du Maine-et-Loire. Ce dernier “exerce, à l’échelon national, des missions d’appui aux autorités publiques dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique publique de prévention et de protection de l’enfance” [4]

Les assises de la protection de l’enfance

Dans cette dynamique, des Assises de la Santé de l’Enfant se sont tenus le 29 et 30 juin 2023. L’objectif de cet évènement était d’améliorer durablement la santé de nos enfants. 

En effet, le secteur de la pédiatrie fait face à une crise depuis plusieurs mois et François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention agit et propose : 

  • Des solutions immédiates, pour aider les professionnels de santé à répondre aux besoins urgents des enfants et à faire face notamment à une épidémie de bronchiolite particulièrement virulente et précoce cette année ;
  • Des réponses de moyen et long termes ensuite pour faire évoluer et renforcer la pédiatrie, mais aussi investir durablement sur le champ de la santé des enfants et adolescents dans notre pays. C’est tout le sens des « Assises de la Pédiatrie et de la Santé de l’enfant » qui se clôtureront au printemps, et dont François Braun, accompagné de la ministre déléguée Agnès Firmin Le Bodo, a installé hier après-midi le comité d’orientation. [5]

Pour répondre à l’objectif de faire de la santé des enfants une priorité de l’action publique, 6 axes de travail ont été défini : 

  • Garantir à tous les enfants un parcours de santé de qualité et sans rupture ;
  • Améliorer le parcours en santé des enfants aux besoins particuliers ;
  • Relever le défi de la santé mentale des enfants ;
  • Mieux prévenir, pour améliorer la santé globale des enfants ;
  • Renforcer la formation des professionnel·les et faire évoluer les métiers de la santé de l’enfant ;
  • Améliorer les connaissances et les pratiques en santé de l’enfant par la recherche, et favoriser les pratiques innovantes.

Julie Picard-Bordard et Charles Eury de l’équipe de Kalia ont eu l’opportunité d’assister à ces deux journées riches de contenus, débats et témoigages. Voilà ce qu’il en ont retenu : 

  • Rappeler l’importance des créer des liens d’attachement et de savoir les observer le plus précocément possible de manière à prévenir les situations de négligeance et de maltraitance
  • Prendre soin de la triade enfants/parents/professionnel·les de la protection de l’enfance
  • Mieux informer, mieux communiquer auprès des parents qui sont encore trop mis de côté quand il s’agit d’en savoir plus sur leur histoire de vie 
  • Soutenir les professionnel·les par de la formation, des outils mais avant tout des moyens ! Ce sont des professionnel·les de terrain qui sont obligé·es de délaisser l’humain pour plus d’administratif. 
  • Les bonnes pratiques de nos ami·es québécois·es et belges

La conclusion de ces Assises est évidente. Il faut décloisonner et travailler ensemble pour que chaque acteur puisse remettre du sens dans ces métier en tension mais essentiels.

La deuxième SNPPE

Fin avril 2025, la DGCS a publié, dans le Bulletin officiel, l’instruction concernant la contractualisation préfet/agence régionale de santé (ARS)/conseil départemental en prévention et protection de l’enfance pour 2025/2027. Cette nouvelle version propose aux départements de développer des projets contribuants à l’atteinte de 14 objectifs, dont 7 obligatoires, articulés autour de deux engagements prioritaires :

  1. Renforcer les dispositifs de prévention
  2. Améliorer la qualité des interventions en protection de l’enfance

Pour aller plus loin, nous avons rédigé un article sur le sujet : Stratégie nationale de prévention et protection de l’enfance – Acte 2 : comment nos actions répondent aux nouveaux objectifs de la stratégie ?


Sources : 

[1] https://onpe.gouv.fr/system/files/publication/note_juri_loi_2022_mai_2022_ok2.pdf
[2] https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000043668561/
[3] https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000043668561/
[4]https://www.banquedesterritoires.fr/protection-de-lenfance-de-nouveaux-outils-pour-harmoniser-les-pratiques?pk_campaign=newsletter_quotidienne&pk_kwd=2023-01-03&pk_source=Actualit%C3%A9s_Localtis&pk_medium=newsletter_quotidienne
[5]https://sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/francois-braun-lance-les-travaux-preparatoires-aux-assises-de-la-pediatrie-et

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